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LE LIVRE SANS NOM livre-sans-2.gif

Anonyme, Editions Sonatine, 2010.

 

Résumé :

 

Dans une petite bourgade d'Amérique du Sud du nom de Santa Montega, les habitants n'ont pas beaucoup d'occupations, si ce n'est boire et fumer dans les bars et surtout s'entretuer pour des raisons pour ou moins fondées. Ils n'ont pas peur les uns des autres, mais ils ont tous peur d'un seul et même homme : un inconnu qui se fait appeler le Bourbon Kid. Lui, la dernière fois qu'il est venu à Santa Mondega, il y a cinq ans, tout le monde s'en souvient et tous redoutent de le voir réapparaître un jour, car il avait alors tué la moitié de la ville. Tout ce qu'on sait à son sujet, c'est qu'une fois qu'il entre dans un bar, s'assoit et commande un bourbon, vous êtes mort. Il aura tué tout ce qui bouge dès que son verre sera vide.

Jessica, la jeune femme qui vient de se réveiller d'un coma de cinq ans et se retrouve amnésique, apprend qu'elle est la seule survivante du dernier massacre.

Elle rencontre Jefe, un tueur à gages, chargé de retrouver une mystérieuse pierre précieuse pour le compte d'El Santino, le parrain de la mafia locale. Mais Jefe s'est fait subtiliser la pierre avant d'avoir pu accomplir sa mission et il lui reste peu de temps pour la retrouver. La tâche s'avère d'autant plus difficile qu'il n'est pas le seul à rechercher cette pierre : deux moines maîtrisant les arts martiaux à la perfection ont été envoyés en mission pour la récupérer coûte que coûte, suite au massacre des leurs qu'un certain Bourbon Kid vient de commettre dans leur monastère.

Elvis, sosie du King et autre tueur à gages réputé, est chargé par le patron du bar local de retrouver qui a tué son frère. Mais il est doublé par Marcus la Fouine, un petit truand minable intéressé par la pierre, doublé à son tour par Dante et Kacy, un jeune couple d'amoureux qui profiteraient bien de l'occasion pour disparaître au soleil avec un petit pactole.

Deux flics sont chargés d'enquêter sur cette mystérieuse pierre et sur le Bourbon Kid qui, à ce qu'il paraît, est de retour dans le coin...

 

Mon avis :

 

Voici le livre le plus délirant que vous lirez avant longtemps ! Diffusé anonymement sur Internet en 2007, ce livre est vite devenu culte. Il a été publié par la suite en Angleterre et aux Etats-Unis où il connaît un immense succès, mais son auteur reste jusqu'à aujourd'hui encore anonyme.

Ce roman se lit comme un film et pas n'importe lequel. Bienvenue aux fans de Quentin Tarantino : vous voici à mi-chemin entre Pulp Fiction et Kill Bill. L'action ne s'arrête jamais car le livre est construit sous la forme de petites scènes : 65 chapitres dans lesquels vous passez d'un personnage à l'autre et d'une action en cours à une autre. Les actions des personnages s'imbriquent les unes dans les autres et, parfois, le narrateur revient en arrière, comme dans les films dont il s'inspire. Aucun ennui possible !

Il s'agit en réalité d'une sorte de western transposé à l'époque moderne, dans une ville inconnue d'Amérique. L'auteur, dont le style d'écriture est absolument jubilatoire, cache par-ci par-là des références aux films cultes du cinéma américain. Les dialogues sont toujours plus surprenants et drôles, car les personnages se prennent tous pour des caïds ou des cows-boys. Mais tous finissent en chair à pâté, dans des scènes où l'on ressent la tension palpable, où l'on s'attend presque à entendre une mouche voler pour se poser sur le colt prêt à tirer, et où l'on prépare déjà dans sa tête de lecteur la musique qui va accompagner le déchaînement de la furie, probablement un bon vieux rock. Régalez-vous !

 

Début du livre (extrait) :

 

Sanchez avait horreur que des inconnus entrent dans son bar. En fait, il détestait également les habitués, mais il les accueillait tout simplement parce qu'il avait peur d'eux. Econduire un habitué, ce serait signer son propre arrêt de mort. Les criminels qui fréquentaient le Tapioca étaient toujours à l'affût de la moindre occasion d'y prouver ce qu'ils valaient, parce que c'était le plus sûr moyen d'acquérir une renommée, jusqu'au sommet de la hiérarchie du monde du crime.

Le Tapioca était un bar qui avait vraiment du caractère. Ses murs étaient jaunes, et pas d'un jaune agréable : plutôt un jaunâtre de fumée de cigarette. Rien d'étonnant à cela : l'une des nombreuses règles tacites du Tapioca était l'obligation, pour l'ensemble de la clientèle, de fumer. Cigares, pipes, cigarettes, joints, narguilés, cigarillos, bangs, tout était autorisé, excepté ne pas fumer. Ne pas fumer était tout à fait inacceptable. Le fait de ne pas boire de l'alcool était aussi considéré comme un péché, mais le plus grand des péchés c'était d'être un inconnu dans ce lieux. Dans ce bar, personne n'aimait les inconnus. Les inconnus n'apportaient que des problèmes. On ne pouvait pas se fier à eux.

Aussi, lorsqu'un homme, vêtu d'une longue cape, capuche rabattue sur la tête, entra et s'assit sur un tabouret de bois au bar, Sanchez eut la certitude qu'il ne ressortirait pas en un seul morceau.

La vingtaine d'habitués attablés cessèrent leur conversation et toisèrent longuement l'homme encapuchonné assis au bar. Sanchez remarqua qu'ils s'étaient également arrêtés de boire. C'était mauvais signe. S'il y avait eu une musique d'ambiance, elle se serait sûrement interrompue dès l'entrée de l'inconnu. Le seul son audible était à présent le bourdonnement continuel du gros ventilateur fixé au plafond. 

Sanchez se fit un devoir d'ignorer son tout nouveau client, en faisant mine de ne pas l'avoir vu. Evidemment, lorsque l'homme ouvrit la bouche, il lui fut impossible de l'ignorer plus longtemps.

"Barman. Servez-moi un bourbon."

 

21 décembre 2011

 

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VIVEMENT L'AVENIR9782812601446

Marie-Sabine Roger, Editions du Rouergue, 2010.

 

 

Résumé :

 

Trois trentenaires paumés et à l'avenir plus qu'incertain se rencontrent et s'accordent, contre toute attente, pour prendre en charge un jeune homme handicapé surnommé "le monstre". Cette décision va les faire sortir de leur réalité quotidienne, triste et désabusée, et leur insuffler un magnifique élan d'espoir...

 

Mon avis :

 

Je tenais à vous faire partager mon enthousiasme à la lecture de ce roman qui vient de paraître. Je l'ai trouvé à la fois très drôle et très touchant. Les personnages, sans intérêt au début, deviennent de plus en plus attachants au fil des pages. L'auteur parvient parfaitement à dépeindre la société dans sa réalité quotidienne et nous en fait sortir avec d'autant plus de plaisir. On n'a qu'une envie avec la lecture de cette histoire : partager cet immense élan d'espoir et ce regard optimiste sur l'Humanité.

 

Début du livre (extrait) :

 

Comment c'était venu dans la conversation, je ne sais plus très bien.  C'était venu. C'est tout.

L'origine, elle était peut-être à chercher du côté des clébards, quand la télé avait parlé de ceux qu'on abandonne à la SPA, au début des vacances. Tous ces braves chiens-chiens avec la truffe humide et dans leurs yeux marron de l'amour sans reproche.

- Abandonner son chien ! Si c'est pas malheureux ! a dit Marlène, à un moment, en caressant Tobby. La peine de mort, il leur faudrait, à tous ces salopards !

- Bah ! La peine de mort, faut pas pousser, non plus...Mais de la tôle, oui. Là, je dirais pas non ! a répondu Bertrand, de sa voix toujours calme.

Jamais je ne l'ai vu énervé, celui-là.

Marlène a secoué la tête. Quand elle a une idée, elle s'y tient.

- La peine de mort et voilà tout. Hein, mon Tobby, mon amour, mon pépère ? La guillotine, hein ? Et en plusieurs fois, tant qu'à y être. A petits coups de cisaille, tchak, tchak.

- La guillotine, ben voyons ! a dit Bertrand.

Roswell s'est marré. Il se marre tout le temps.

Moi j'étais dans mon coin, je lisais, sans rien dire. Je parle rarement. Ca servirait à quoi ?

 

Mais l'origine était sans doute aussi dans la bêtise de Roswell, un peu plus tôt dans la soirée. Parce qu'il avait voulu se faire du pop-corn, sans rien demander à personne.

Il pourrait se nourrir de pop-corn, de frites et de Coca, il en est fou.

Il avait allumé le gaz, tout seul, posé la poêle sur le feu, bien huilée comme il faut selon la procédure. Et puis il l'avait oubliée, forcément.

Roswell n'a pas de suite dans les idées. Peut-être pas d'idées, non plus. Tout au plus des initiatives.

 

Alors, quand Marlène est allée dans la cuisine pour mettre l'eau des pâtes à chauffer, tout était envahi d'une fumée épaisse et âcre, qui piquait salement les yeux.

Elle a crié :

- Ah ben ça, ah ben ça ! Mais c'est quoi ce bordel ?!

Elle a ouvert la fenêtre en urgence, en envoyant valser tout ce qui était devant : la passoire en métal, le pichet, la salière et les couverts en bois. Elle a balancé la poêle dans l'évier, fait couler l'eau en grand, c'est parti en vapeur. Il n'est plus resté que l'odeur.

 

Quand elle est revenue dans la salle à manger, Marlène hurlait que non, alors là non ! Non, cette fois, on avait dépassé la mesure du comble ! Elle disait qu'il avait encore failli tout faire cramer, ce crétin, ce taré ! Qu'un beau jour, la maison, ça serait plus qu'un tas de cendres en ruines, et par la faute à qui ?

Roswell a rigolé, mais pas d'un rire franc.

Moi qui le connais mieux que le reste du monde, puisque je suis la seule à me soucier de lui, je voyais bien qu'il avait les miquettes, rien qu'à cette façon de coller du regard aux gestes de Marlène, de ne pas la quitter de l'oeil, surtout pas, au cas où.

Marlène, elle a parfois la main leste, avec lui. Lourde, aussi. Mais elle a seulement soupiré, en se tournant vers moi :

- Va me le mettre au pieu, tiens ! Moi je peux plus le voir, il me pile l'humeur, j'en ai les nerfs qui me sortent des gaines !

- Il a mangé ? a fait Bertrand.

- Il a pas faim !

J'ai aidé Roswell à sortir du fauteuil. On a pris l'escalier, lui devant, moi derrière, pour parer, au cas où. Je l'ai fait arrêter aux toilettes. Après, je l'ai mené jusqu'à sa chambre. Je l'ai aidé à se déshabiller, à enfiler son pyjama, je lui ai mis sa couche pour la nuit. J'ai remonté la couette sous son menton barbu, je lui ai enlevé ses lunettes, je lui ai porté un verre d'eau.

Il a chuchoté :

- Hésschantille-hein ?

J'ai dit ben oui, bien sûr ! Bien sûr, je suis gentille ! Tu le sais bien, non ?

- Hhhui. Hésschantille, toi.

- Oui, je suis gentille, moi. Et toi, tu devrais éviter de faire du pop-corn !

 

Il a rigolé. J'ai montré la veilleuse, d'un hochement de tête. Il a fait no-no-non, no-no-non ! Je sais bien qu'il a peur du noir. Du noir, des araignées, des guêpes, des orages. Et de Marlène, aussi. De Marlène, surtout.

J'ai touché de l'index ma visière invisible, OK chef, compris chef, je te la laisse allumée, ta lumière. Il a souri de tout son trop de dents qui encombre sa bouche, de ses gencives de mulet. Il a refait mon geste, en me saluant, la main un peu en travers de sa joue.

- Oké-sschef !

Je lui ai fait un clin d'oeil avant de refermer la porte. Il avait déjà pris le coin de son drap pour téter. Il a cligné des yeux, les deux en même temps. Un seul, il ne sait pas le faire.

 

Comme chaque soir, j'ai pensé : Sacré Roswell ! Tu es tombé dans un piège à cons, le jour où tu es sorti du ventre de ta mère !

 

 

11 septembre 2010

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